Les dérives du pouvoir chinois éclaboussent les JO d’hiver

L’ancienne zone industrielle de Shougang à Pékin, transformée en site olympique pour les épreuves de big air ©France TV

Pouvoir autoritaire à Hong Kong, violences sexuelles sur Peng Shuai, répression des Ouïghours, désastre écologique… Les scandales autour des Jeux olympiques de Pékin et de la Chine sont légion depuis plusieurs mois. Ces histoires ne se sont pas effacées pour laisser place au sport et les JO sont très politisés depuis le 3 février, date de la cérémonie d’ouverture. Entre boycott de certains Etats et critiques de la société civile, les Jeux de 2022 sont une vitrine des dérives du pouvoir chinois.

Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin 2022 ont commencé depuis le jeudi 3 février et la cérémonie d’ouverture. Cette grande fête du sport est ternie par plusieurs scandales humanitaires dont la Chine serait coupable.

Des droits de l’Homme bafoués

Tout d’abord, vient la situation tendue à Hong Kong. Cette ancienne colonie britannique s’organise en Chine sur le principe d’un pays, deux systèmes. Cela signifie que si Hong Kong peut être considérée comme partie intégrante du territoire chinois, cette région possède son propre gouvernement et ses propres lois. Problème, le gouvernement en place à Hong Kong se rapproche du pouvoir chinois et la loi de sécurité nationale pousse depuis 2020 les manifestants pro-démocratie à faire entendre leurs voix. Cette loi limite les libertés, en contrôlant notamment l’éducation, les médias et les réseaux sociaux. Le régime chinois est critiqué pour sa forte répression des manifestants. Des centaines d’opposants politiques, de personnalités médiatiques ou de simples militants ont été emprisonnés depuis la promulgation de cette loi.

Plus récemment, la Chine a fait parler d’elle avec l’affaire Peng Shuai. Lors d’un message le 2 novembre dernier sur Weibo, réseau social chinois, la tennis woman Peng Shuai a accusé Zhang Gaoli, ancien vice-Premier ministre et haut dignitaire du parti communiste de viol. Suite à ce message, l’ancienne vainqueure de Roland-Garros en double disparaît pendant quasiment un mois. Cela provoque des inquiétudes de la communauté internationale. Elle réapparaît lors de discours et d’événements contrôlés par le pouvoir chinois. Si la sportive assure revenir sur ses propos, le traitement de cette affaire et sa conclusion posent question. Où était Peng Shuai pendant sa disparition? Qu’a-t-elle subi ces derniers mois? Aujourd’hui, le gouvernement chinois affiche une Peng Shuai saine lors des JO d’hiver, mais ses déplacements et prises de parole semblent encore très contrôlés par les autorités.

Peng Shuai avait disparu suite à ses accusations de viol contre un haut-dignitaire du Parti communiste chinois ©NAPARAZZI (Wikicommons)

Enfin, le pouvoir chinois est accusé d’organiser un génocide des Ouïghours sur son territoire. Cette minorité musulmane résidant principalement dans la province du Xinjiang en Chine est persécutée depuis plusieurs années par le gouvernement chinois. Internement en camp de rééducation, persécution, tortures, viols… Les accusations sont extrêmement graves au point que Joe Biden, président américain, ait affirmé qu’il s’agissait d’un génocide. Le gouvernement de Xi Jinping, président chinois, persécute en partie cette ethnie car elle peuple un territoire qui présente des ressources très importantes. La  »nouvelle route de la soie », cher au dirigeant chinois, s’installe en grande partie dans le Xinjiang, les sols comportent des gazs et du pétrole tandis que 20% du coton mondial est produit dans cette région. Pour s’assurer le contrôle total de ce territoire et de ces richesses, le gouvernement chinois orchestre donc ces crimes contre l’humanité.

Le boycott diplomatique, une réponse symbolique et insuffisante de la part des Etats 

Pour dénoncer ces atteintes aux droits de l’homme, plusieurs pays, comme les Etats-Unis, l’Australie, l’Angleterre ou le Canada ont organisé un boycott diplomatique. Cela signifie que ces Etats n’ont envoyé aucun responsable politique ou ambassadeur assister à la cérémonie d’ouverture ou aux compétitions. Pascal Boniface, fondateur et chercheur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), assure que le fait d’envoyer des représentants lors de ces événements est un signe des relations actuelles avec le pays hôte. Lors de la cérémonie d’ouverture de Pékin par exemple, Vladimir Poutine, le dirigeant russe, a pu être aperçu dans les gradins du stade, preuve s’il en faut des bonnes relations entre Moscou et la Chine. En revanche, aucun ambassadeur ou secrétaire d’Etat américain n’était présent dans le stade. En effet, les échanges entre Washington et la capitale chinoise se sont tendus dernièrement, notamment à cause de la répression des Ouïghours. Entre les deux, nous pouvons citer des pays de l’Union européenne, comme la France, qui n’entretient pas des relations idéales avec le pouvoir chinois sans pour autant s’opposer frontalement à lui. 

Le boycott diplomatique s’oppose au boycott sportif ou total. Ce dernier consiste à n’envoyer aucun athlète dans une compétition internationale. Les meilleurs exemples sont ceux des Jeux olympiques du début des années 1980, quand la délégation américaine et plus de 60 pays du bloc de l’ouest ne s’étaient pas déplacés à Moscou en 1980, pour protester contre l’intervention soviétique en Afghanistan. L’URSS et certains alliés avaient répondu de la même manière quatre ans plus tard lors des jeux de Los Angeles 1984. 

Mais alors, quel impact espérer de ces mesures symboliques? Les boycotts n’ont jamais poussé les pays mis en cause à faire machine arrière. Pour reprendre l’exemple précédent, le boycott américain n’a pas empêché l’URSS d’envahir l’Afghanistan. Plusieurs pays ont refusé de participer aux Jeux de Moscou 1980 pour protester contre cette invasion mais la mesure s’est avéré symbolique et inefficace. Reste qu’elle peut avoir des conséquence. Organiser un boycott revient à mettre le doigt sur les problèmes en cours dans le pays hôte. Il permet de retourner la vitrine que veut montrer le pays organisateur au monde entier en une tribune des enjeux actuels entre ses frontières. L’URSS avait gardé le boycott total des Américains en tête et avait refusé d’envoyer des sportifs à Los Angeles quatre ans plus tard en représailles. De nos jours, la Chine a d’ores et déjà averti que les pays qui participent au boycott en  »paieront le prix ». Des sanctions diplomatiques et économiques de la part de Pékin sont donc attendues en réponse à cette manœuvre, qui aura au moins permis de ne pas oublier les affaires concernant Hong Kong, les Ouïghours ou Peng Shuai.

L’écologie en question

Mais les JO d’hiver de Pékin 2022 posent aussi des questions écologiques. Les principales critiques se concentrent sur l’utilisation de la neige artificielle. 100% des sites sont basés sur de la  »poudreuse ». Outre des paysages choquants, où les sites olympiques se situent à côté de forêts toutes vertes ou de zones industrielles, les données sont impressionnantes. 355 canons à neige utilisés sur les pistes de ski alpin, 185 millions de litres d’eau pour produire 1,2 millions de mètres cubes de neige ou encore l’équivalent de 20 millions d’euros de dépenser dans ces opérations. Cependant, attention à ne pas surinterpréter ces chiffres.

La piste de slalom des JO de Pékin 2022, juste à côté d’un paysage sans neige ©France TV

Car la Chine n’est ni le premier pays à utiliser cette technique, ni celui qui en abuse le plus. En 2018, les Jeux de Pyeongchang, en Corée du Sud, avaient eu recours à de la neige artificielle dans 90% de ses sites. En France, 85% des stations sont équipées en enneigeurs, ce qui est peu en comparaison avec des voisins tels que l’Autriche qui flirte avec les 100%. De plus, la neige artificielle a assez mauvaise réputation par rapport à d’autres techniques plus polluantes. Martin Fourcade, champion olympique de biathlon il y a quatre ans, dénonce d’ailleurs cette stigmatisation:

 »On utilise de l’électricité pour transformer de l’eau en neige en l’envoyant dans l’air mais je ne vois pas la différence qui est faite avec chauffer l’eau d’une piscine. »

Martin Fourcade sur France Inter, le 4 février

Un propos confirmé par Carlo Carmagnola, scientifique de la neige qui collabore avec Météo France et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Pour lui, la consommation de CO2 dans les domaines skiables n’est due qu’à 5% à la préparation des pistes, une poussière par rapport aux transports ou aux remontées mécaniques. Ce dernier confirme également les propos de Martin Fourcade. Selon ses chiffres, 30 millions de mètres cubes d’eau sont utilisés chaque année en France pour enneiger l’ensemble des stations. Sur ce chiffre, 25 millions de mètres cubes sont restitués en milieu naturel après utilisation. Lorsque l’on sait qu’une piscine compte 1000 litres par mètre cube d’eau en moyenne, il est possible d’affirmer que l’impact écologique et énergétique de la neige artificielle est moindre par rapport à cet autre loisir. Sans compter la pollution électrique nécessaire pour chauffer la piscine.

Le porte-drapeau de l’équipe de France Kévin Rolland et Martin Fourcade s’accordent sur un point. Il faut faire mieux, mais attention à ne pas stigmatiser cette pratique alors que d’autres sont plus polluantes. Oui, la Chine utilise de la neige artificielle, mais les stations françaises font de même. Oui, la neige de culture est une pratique polluante, mais une piscine chauffée et les vols spatiaux sont bien plus dramatique d’un point de vue écologique. Même si des progrès sont à faire dans ce domaine, il ne faut pas jeter la pierre à la neige de culture.

Les polémiques rencontrées aujourd’hui à Pékin seront certainement les mêmes dont on entendra parler dans plusieurs mois, à l’occasion de la Coupe du monde de football au Qatar en décembre. Non-respect des droits de l’Homme et aberration écologique seront aux premiers rangs des critiques formulées à l’encontre du pays organisateur.

Clément Belluau

Sources / Pour en savoir plus:

Le boycott est-il un outil diplomatique efficace ?

Jeux olympiques : qu’est-ce qu’un boycott diplomatique ? – Ça m’intéresse

Jeux Olympiques : qu’est-ce qu’un boycott diplomatique ? – Geo.fr

Neige artificielle, forêt rasée… : les JO de Pékin sont-ils les moins écolo de l’histoire

De la neige artificielle utilisée pour les JO de Pékin: quel impact écologique? – Metrotime

Neige artificielle, transport… Les JO d’hiver de Pékin, une aberration écologique ?

Fausse neige aux JO de Pékin: cette hérésie écologique – Challenges

JO d’hiver : quel est l’impact environnemental de la neige artificielle ?

10 choses à savoir sur la loi de sécurité nationale de Hong Kong – Amnesty International France

Peng Shuai dans L’Équipe : « Elle n’a pas pu s’exprimer librement »|Brut.

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